L’art : divertissement ?

Sous la forme d’une question du bac, j’annonce la couleur :

Je vais au théâtre et ce n’est pas un divertissement.

Aller voir une pièce.
Une œuvre sur scène.
J’ai de la chance, parfois, une/un/des ami(es) vont jouer dedans.
D’autres fois, un ami va faire la mise en scène…
Dans tous les cas, je vais voir quelqu’un maintenant, plus seulement un auteur ou une histoire.
Et parfois avec qui j’aurais déjà bu du thé, cerise sur le gâteau.
Je suis des parcours.

Je suis une personne de sillage.

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Cette fois là, j’ai vu 3 fois cette pièce.
Baie des Anges.
Autant de fois qu’elle a été ouverte au public.
Je suis restée après, pour échanger avec les artistes, les amis que j’ai emmenés.
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Et aussi avec ceux qui viennent butiner cet espace public.
Il n’y en a pas tant que ça, des lieux créateurs de rencontres dans la ville.
Nous reparlerons de ma marotte d’espace public créatif.
J’ai vu plusieurs fois cette pièce puzzle.
Initié par un producteur cinéma et ses émotions.
Écrit par un homme de théâtre.
Mise en scène par un ami Artiste.
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Ceci n’est pas une critique.
Loin de moi, l’idée de critiquer sérieusement ce que je ne saurai accomplir.
Je peux aimer, oui, le dire aussi, mais ça tient dans pas grand chose, et puis mon appréciation sur ces choses là, moi-même, je m’en occupe peu.
J’aimerais arriver à décrire mon ressenti.
Pas comme un petit nombril qui s’observe, mais comme un Remerciement aux artistes de tout poil.
De ceux qui me touchent, par inadvertance, ou par profondeur de champ.
Je ne saurai dire comment ça marche d’être vraiment touchée par une œuvre, cette alchimie.
Là, en l’occurrence, je venais voir la 2ème expérience de mise en scène de cet Artiste.
Épuisée par des déplacements juste avant, un emploi du temps désemparé, une rentrée exigeante.
A la limite de ne pas me rendre à la 1ère représentation pour stopper un instant la pression de l’action à tout prix.
Et j’y suis allée telle quelle, malgré tout.
J’ai beaucoup bougé dans le fauteuil pour lutter contre la fatigue, il m’a fallu faire des efforts pour suivre un chemin tortueux. Ces efforts ont mis du temps au temps.
Je me suis imprégnée de la découverte, respectueusement.
J’ai bu sans soif consciente tous les éléments offerts.
L’esthétique de la mise en scène, le jeu d’acteurs surdimensionnés, qui donnent du corps au mot présence.
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ça, c’était la 1ère.
La seconde, reposée, alerte, tout a alors coulé de source. J’ai plongé dans la piscine de cette aventure.
J’étais suspendue alors aux nuances de jeu, les différences de timing m’ont éveillée.
Tout est toujours neuf dans la répétition.
Les respirations en preuve invisible.
Immédiateté et transparence.
J’avais de l’énergie dans ma réception, j’ai senti un commencement.
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Photo : Valérie Galassi.
A la 3ème, je me suis délestée de l’apesanteur.
Sans aucune résistance ni interférence. Rien que la scène et moi avec.
Le temps n’a plus compté. Il s’est éclipsé, laissant place à ces timbres de voix bien placées.
Ces gestuelles aussi puissantes que légères.
La musique s’est frayé un chemin subtilement.
La tristesse lancinante m’a soudoyée sans me perdre.
Je n’ai rien oublié, j’ai tout transformé.
Ce plaisir d’une œuvre bien ficelée n’a pas fait de moi une passagère immobile.
Ni une spectatrice qui s’oublie dans la scène d’un autre.
C’est une question de vibration qui met l’humanité en commun.
Toute notion de séparation, de jugement était abolie.
Dans la répétition de ces jeux, j’ai grandi en calme et intensité de vie.
Il n’y a rien que ça, l’unité aperçue…